La Cour suprême du Brésil a ordonné dimanche au gouvernement de Rio de Janeiro de « conserver et documenter » toutes les preuves matérielles liées à une sanglante opération policière qui a fait plus d'une centaine de morts.
Dans une décision rendue ce dimanche, le juge Alexandre de Moraes a ordonné que la conservation et la documentation totales des éléments matériels, y compris les rapports d'expertise et leurs chaînes de conservation, soient effectuées de manière « rigoureuse et complète » pour garantir la transparence et l'enquête des faits par le ministère public.
Cette demande s'inscrit dans un précédent arrêt de la Cour, dans lequel une série de nouvelles règles ont été émises pour mener des opérations policières dans les favelas de l'État de Rio de Janeiro, dans le but de prévenir les violations des droits de l'homme.
La Cour suprême cherche à vérifier si le gouvernement de l'État s'est conformé aux décisions imposées et si l'opération a été menée conformément aux protocoles relatifs aux droits de l'homme établis par la Cour.
Selon le document, le gouverneur de Rio de Janeiro, Cláudio Castro, doit être informé le plus tôt possible, même ce dimanche, pour garantir le respect immédiat de la décision.

Outre la mesure conservatoire, le magistrat a fixé pour le 5 novembre prochain une audience conjointe avec près de 20 organisations de défense des droits humains, mouvements sociaux et entités de la société civile qui opèrent dans les complexes des favelas.
Ce lundi, le gouverneur doit comparaître devant Moraes en audience pour répondre à une série de questions cruciales, comme le bilan officiel des morts et des blessés, la présentation du rapport détaillé de l'opération et les mesures adoptées pour venir en aide aux victimes.
La méga opération policière dans les favelas de Penha et Alemão, qui a mobilisé 2 500 policiers, visait à lutter contre le Comando Vermelho, l'un des plus grands gangs de trafiquants de drogue au Brésil.
Pour l’instant, le bilan des morts n’est pas clair et varie selon les sources. Selon les chiffres du Bureau du Défenseur public, l'institution publique qui a compilé les données, le nombre de morts s'élève à 132, mais le gouvernement régional n'en a confirmé que 121.
Castro, politiquement responsable de l'intervention, a déclaré que l'opération était un « succès », en éliminant les quatre agents qui ont perdu la vie au cours du déroulement de l'action, qu'il a qualifiés de seules victimes.
L'affaire a suscité une vive controverse au Brésil et a conduit l'ONU et les organisations de défense des droits de l'homme à demander des enquêtes indépendantes.
Selon les autorités de l'État, la grande majorité des personnes tuées avaient des antécédents judiciaires pour des délits graves tels que le trafic de drogue et les homicides et près de la moitié faisaient l'objet de mandats d'arrêt à leur encontre.
Sur les 100 mandats d'arrêt qui ont justifié l'opération, émis par des juges de Rio de Janeiro et d'autres États, les 2 500 policiers qui ont participé à l'action n'en ont purgé que 20.
Parmi les morts identifiés figurent 40 originaires d'autres États du Brésil, que le gouvernement régional a identifiés comme des dirigeants de groupes armés d'autres régions liés au Commandement rouge et qui se réfugiaient à Rio de Janeiro.
Selon le gouverneur Cláudio Castro, une mesure de la Cour suprême qui restreint depuis 2021 les opérations policières dans les favelas de Rio de Janeiro a fait de cette ville une destination pour les membres de groupes criminels d'autres régions cherchant à se cacher des autorités.
Les 40 morts identifiés comme membres d'organisations criminelles d'autres régions proviennent de zones d'influence du Commandement rouge, parmi lesquelles 13 de l'État amazonien du Pará (nord), six de Bahia (nord-est) et quatre du Ceará (nord-est).